Annexion
En 1876, le château d'Urville est acquis par Romain Sendret,
industriel corroyeur à Saint-Julien-lès-METZ, un des plus importants
fournisseurs de l'armée française. Ardent patriote il refuse de travailler pour
l'armée allemande et s'installe à Pagny-sur-Moselle où il reprend la nationalité française tout en conservant Urville comme un lieu de culte dans la
patrie perdue.
A 67 ans, à l'approche de la retraite Romain Sendret se résout à vendre le domaine et c'est ainsi
que dans la « Lothringer
Zeitung » du 23 Août 1886 on peut lire :
« A vendre, à l'amiable avec faculté de paiement à
crédit et de suite le domaine d'Urville, entièrement restauré, à 15 km, sur la
route de METZ à Strasbourg, 10 minutes de la gare de Courcelles Chaussy, d'une
superficie de 60 hectares, comprenant : 23 hectares d'un seul tenant,
entourés de murs, grilles et fossés et ayant à l'intérieur : un château de
style renaissance avec toutes dépendances, des terres labourables et prairies
avec accès sur la Nied et différents étangs, un parc avec des allées
magnifiques incomparables en beauté bien situé avec arbres à aiguilles, un
terrain e 40 hectares environ dénommé « Les Fontaines » avec une
source qui grâce à une conduite d'un kilomètres alimente le château en eau, une
forêt dénommée « La Forêt seigneuriale d'Urville » d'environ 36
hectares, entièrement entourée de
fossés, avec de beaux chemins dont deux conduisent jusqu'à la porte du parc qui
n'est éloigné que de 500 mètres. Il se prête bien pour la chasse et la pêche .
D'autres renseignements peuvent être obtenus auprès du notaire Bazin à Metz, 36
place St Louis..»
Mais lecteurs et vendeur étaient à loin d'imaginer que l'Empereur Guillaume II, déjà propriétaire de 73
châteaux en Allemagne, allait par l'intermédiaire d'une tierce personne s'en
porter secrètement acquéreur quatre ans plus tard. Romain Sendret ne
s'en remettra jamais et
emportera dans la tombe un immense
chagrin.
Guillaume II
achète également à leurs propriétaires la ferme de Chaussy et des Mesnils, ainsi qu'un proche chalet
qu'il intègre au domaine d'Urville.
Confiée aux
entreprises Heister et Becker de Metz, dirigées par le conseiller des travaux
publics Blumhrardt, la restauration du château débute le 14 mars 1891.
Tandis que l'intérieur est
remanié et entièrement remeublé l'extérieur de la propriété s'orne des armes
impériales avec l'inscription W.I.R ; on installe le téléphone, le
télégraphe, puis les années suivantes un nouveau chauffage et une centrale
électrique indépendante pour les 250 ampoules des bâtiments.
Dans le même temps, l'entreprise Breitenberger de Strasbourg construit
en face de la gare de Courcelles-Chaussy un pavillon de réception comprenant un
hall , un salon, deux chambres particulières avec deux cabinets de toilette.
Le pavillon sera
complété par la suite par une voie de garage recouverte d'une toiture vitrée d'une longueur
de 120 mètres destinée à abriter le train blanc et or de
l'empereur
A
partir de 1894, en l'absence des souverains et moyennant un droit d'entrée de
50 pfgs le château est ouvert aux visiteurs, lesquels ont également accès
à partir de 1900 au bureau de poste installé dans les communs
à côté de l'orangerie.
Le 5 septembre 1893, accueilli à sa descente du
train impérial par une foule d'environ 10 000 personnes, dont
3200 enfants
des écoles et 300 instituteurs , des notables, et invités ainsi que les
membres de 142 sociétés, l'Empereur, avec à ses côtés le Stattalter Hohenlohe,
prend officiellement possession de son nouveau domaine.
Les séjours de
l'Empereur sont entrecoupés par les revues et les manoeuvres à Frescaty, Gorze,
Ars, Gravelotte, Rezonville, Morhange, Thionville et Bitche.
Le 8 septembre 1893
aux manoeuvres de Pange-Mont, visant à
démontrer qu'il eut été possible d'arrêter sur la Nied une armée en marche
vers Metz, participent le roi Auguste de Saxe, le prince-régent Louis de
Bavière et le prince héritier d'Italie Victor Emmanuel.
La
présence de ce dernier déplut fortement à la
France qui se sentit offensée. A la suite de divers incidents, une campagne fut
entreprise à la Bourse de Paris contre la rente italienne qui descendit à 78
francs.
En 1908, c'est au tour
de l'archiduc François-Ferdinand, dont l'assassinat provoquera la
première guerre mondiale six ans plus tard, d'être reçu au château à
l'occasion des plus importantes manoeuvres s'achevant à Courcelles-Chaussy.
Avant lui l'Empereur y
avait déjà reçu les généraux Schlieffen chef du
Grand-Etat-Major, Gosseler, ministre de la Guerre, les spécialistes des
forteresses Falkenhausen et Von der Goltz
Pour
accueillir ses illustres invités et sa nombreuse suite Guillaume fait construire, d'après les plans de l'architecte Tornov, une
« Kaiserkirche » temple
impérial, sur la place de l'hôtel de ville . Le temple est inauguré le 17/101895
en présence de l'Impératrice qui, pour marquer cette première visite, décide la création d'un établissement pour
personnes âgée « Wilhelm Victoria
Stift ».
L'impératrice fonde également en 1902, dans l'ancien château du Comte de Clervant,
le pensionnat de jeunes filles « Augusta Victoria Stift » tenu par
les diaconesses de Fribourg et dirigé par le pasteur Hoffet.
En
1913, à l'occasion du 25ème anniversaire
de la proclamation de Guillaume II Empereur d'Allemagne
et roi de Prusse on distribue aux éléves
des classes primaires le petit pain de l'Empereur
"Kaiser Wecken"
Ceux
des cours supérieurs se voient remettre un livre
rédigé par Ernest
Hauwiller, directeur des archives impériales, intitulé : Kaiser Wilhelm als schlossherr
auf elsassischem und auf lothringischem boden""
racontant l'histoire des châteaux du Haut Koenigsbourg
et d'Urville.
L'auteur
y indique qu'en faisant l'acquisition
du domaine d'Urville l'empereur donnait
à nouveau un fief impérial à la
Lorraine et renouait ainsi, après
neuf siècles d'interruption, avec une tradition
selon laquelle les rois d'Austrasie eurent à
Metz leurs palais et les carolingiens leurs villes royales
à Thionville et Metz.
On y
révèle par ailleurs l'existence
de liens entre le nouveau et le premier seigneur d'Urville,
le comte de Créhange lequel avait épousé une petite fille de l'amiral Gaspard de Coligny, l' aîeule de Guillaume
II.
A partir du 15 novembre 1918 les troupes
allemandes se replient du front et passent une dernière fois devant le château
Impérial d'Urville qui restera sous
séquestre jusqu'au 14 mars 1927.
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